lundi 27 octobre 2008

juste ça...







mercredi 22 octobre 2008

Amor...

y'a de ces enfers qui brûlent à froid...

lundi 20 octobre 2008

A l'enfance de mes amours... (fin)

Je laisse ma douleur sur le perron de la maison… des cœurs qui saignent il y’en a déjà deux et ma peine, aussi grande soit-elle, n’alourdira pas davantage l’air chargée de doléance…

Une fois mes larmes séchées, j’esquisse un sourire… je l’ai voulu lénifiant et les yeux de Madame Ester me communiquent mon adresse à mirer son mal et à l’atteindre… elle me sourit aussitôt et s’en va nous préparer ce café…

Ce n’est pas ainsi que je l’ai imaginé… depuis les années où je faisais des tours par mon ancien quartier et depuis les longues minutes du court trajet qui m’a ramené à ce fauteuil, j’imaginais notre rencontre de moult façons ! Je raturais mon rêve et le refaisais plus beau, plus émouvant… je ne m’attardais pas à imaginer son physique à David… je me contentais de l’ombre d’un homme et de mon émoi à moi, désormais femme…

Je savais que câline comme je suis, il s’en tirerait avec le plus gros câlin de tous les temps… que m’importe sa religion si je retrouve l’ami d’une époque où Dieu pour moi avait le visage du Roi sur le billet de 10 dirhams !

Je savais que je retomberais dans l’enfance quelles que soient les circonstances de notre rencontre… et ce café préparé de la main de sa mère n’aurait rien eu d’amer, même pas l’arrière goût qui fait de lui café…

J’aurais voulu le voir, entendre sa voix, écouter sa vie… j’aurais voulu voir son enfant, lire son écriture, savoir comment il a grandi…

Edu a grandi… il a du cœur, je le vois et j’en suis ravie pour lui même en le voyant souffrir…

Je décide alors qu’il est temps de passer à l’action… je ne me connais pas spécialement talentueuse mais on ne peut me nier le don de soutenir un cœur en détresse…

Je commence par l’immerger tranquillement dans nos souvenirs communs, à lui parler de sa malice, de Jean Luc le morveux et du polonais dont on ne se rappelle plus le nom… décidément, on pouvait être d’une cruauté sans égal à refuser l’amitié à un enfant parce qu’il mange des bizarreries de sandwich au poivron au goutter !

Je me souviens tout d’un coup du jour de la fête du printemps où Edu avait oublié le poème qu’il devait réciter ! Il en avait fait pipi et tous les enfants s’étaient fait un plaisir à lui rigoler au nez et à le traiter de bébé ! Mais David était là… Mon amour était un chef et lorsqu’il prit Edu par la main on arrêta de ricaner de suite… Eduardo était revenu après les dix jours de vacances la tête baissée et les mains derrière le dos… dès qu’on s’approcha de lui, il jeta aux frimousses curieuses une grosse araignée en plastique pour signer le retour de la peste !

Je vois le visage d’Edu s’éclairer petit à petit sous l’effet de mon hypnose et le sourire ne se fait pas désirer plus longtemps… Madame Ester vient même nous jeter un coup d’œil curieux quand elle nous entend rire de nos bêtises…

Edu évoque alors mes amours avec David et j’en avale une gorgée de café de travers ! Il me charrie et je fais mine de gênée pour attiser son côté taquin et réussir à retracer le sourire sur le visage de sa mère…

Elle me dit alors qu’on m’avait longtemps évoqué pour taquiner David qui avait eu son chagrin suite à notre séparation lorsqu’il durent partir en Espagne à la fin de la maternelle… j’était son amour arabe et son premier amour… elle me dit aussi que Seul David était revenu au Maroc depuis leur départ, qu’à partir de ses 17 ans il venait à El Jadida chaque année…

J’en ai un énorme pincement au cœur mais je me garde de le dévoiler… il y a des caprices du destin qu’il serait vain d’exécrer…

Je leur parle de ma vie au Maroc, de mes rêves et de la médecine et on attrape à nouveau un excès de surprise et d’émoi à constater un aussi gros point en commun entre David et moi…

Je leur demande alors de me parler d’eux et non seulement de lui… je ne veux pas qu’ils le détachent de leur vie après sa mort… après tout, je suis sûre qu’il leur a apporté tellement de joie qu’il serait idiot de s’amputer de son souvenir… David sera toujours… il sera juste absent…

Madame Ester me parle de leur vie en Espagne, des études d’Edu et de David, de leur différence de caractère et n’en finit pas de dire le magnifique personnage qu’il était au point que j’en éprouve quelque pitié pour Edu… de ne pas être un deuxième David…

Mais lui aussi me raconte leur amitié à tous les deux et la bonté de son frère qui a marqué leur vie… David était son port d’attache, son repère qui le maintenait sain quand les débauches de l’adolescence s’hasardaient à l’égarer…

Il me parle de cet accident sur une route perdue du Chili où David a perdu la vie avec son ami et son émotion lui fait perdre la voix…

Tous les deux l’aiment d’un amour si fort qu’ils sont venu humer l’air qu’il a tant respiré à El Jadida… un amour si bon qu’ils me baptisent sienne et qu’ils me reconnaissent sur lui les droits du cœur…

Je demande alors, au nom de ce sentiment, à le voir…

On m’apporte ses photographies, les unes floues, d’autres jaunies… toujours le même sourire généreux et le même regard en coin que j’affectionnais chez lui…

Madame Ester m’en offre une qu’il avait prise il y a 6 mois sur Tanger… je la prend et me lève pour partir… j’ai besoin de rester seule avec mon David…

On s’échange nos adresses, nos numéros de téléphones et quelques embrassades de gratitude… Madame Ester m’invite à la visiter en Espagne et Edu me promet de ne pas me faire tomber des escaliers une fois à Sevilla…

En me déposant chez moi, Edu me fend le cœur d’un « merci » sincère et ajoute que désormais je ne suis plus « l’arabe de David » mais « Fedwa »…

Je m’en vais le coeur lourd et l’esprit léger…

Un petit sourire de contentement et une pointe d’excitation tout de même… celle qu’on a lorsqu’on a reçu un cadeau…

Sa photo m’apaise… je la rangerai dans le coffret qui contient mes lunettes d’enfant et la bague de ma mère : mes biens d’amour… parce que voyez vous, maintenant je sais que si j’avais rencontré mon David, je l’aurais aimé à nouveau…

mardi 14 octobre 2008

A l'enfance de mes amours... (3)


Une avalanche ! Un torrent de douceurs me retourne la mémoire pour réveiller les mille et un frissons qui me sommeillaient sous la peau ! Je balaie la ruelle des yeux pour chercher celui que je crains de voir… ma déception est énorme quand je ne l’aperçois pas…

Je m’approche presque en courrant… ne l’avais-je, d’ailleurs, pas toujours fait ?

Je me présente, les salue et les plonge tout de suite dans des lacs de souvenirs que j’ai sauvegardés de mon passé quand le reste s’est évaporé sous l’incandescence de mes présents…

Edu a le regard glaceux… malgré le beau bleu qui loge dans ces larges paupières, un léger givre de dureté lui gâche le regard !

Pourtant, en lui évoquant les scènes où je subissais, plus méchamment que les autres, ses frasques puériles, il finit par avoir aux yeux un éclat parfait ! Il se retourne vers sa mère et lui dit, presque ému :
« L’arabe de David ! »
Encore une explosion de rose de la sorte dans mon cœur et j’impose la dictature de l’amour au monde… on se souvenait donc de moi et on m’évoquait ne serait-ce que pour railler les innocences de nos béguins !

Dans les yeux gris de sa mère, une émotion forte bigarre les stries de ses iris… je la vois me consommer des yeux dans une avidité que je ne comprends pas... les infimes ridules qui se sont creusés sur sa peau laiteuse s’accentuent pour graver sur son visage l’expression d’une prière que je ne saurais décliner…

Dès qu’elle m’invite à prendre un café à la maison, je lui souris pour lui communiquer ma gratitude et lui ôter cette appréhension qui accompagne son ton… je ne puis la lui reprocher, ayant moi-même craint de me voir repoussée par un élan raciste ou fanatique…

22 ans de vie passée pouvaient bien se raconter autour d’un café… les siècles de rancœur qui nous séparent, par contre, doivent demeurer tus…

Sur la route de la maison, Edu se rappelle de ses bêtises et rit de bon cœur ! Je lui rappelle comment j’étais la petite protégée de son frère dans l’espoir qu’il me parle de lui mais il n’en fait rien ! Il continue à raconter ses vilenies sans l’once d’un remord !

Je leur parle espagnol et ça les ravit ! Je n’ose pas leur dire que le « Porque » de David avait germé dans mon esprit pour enfanter un énorme vocabulaire que j’ai cultivé avec amour… je le lui dirai en personne…

Je me met soudain à essayer d’imaginer David aujourd’hui ! Est-il bel homme ? Est-il marié ? A-t-il des gosses ? Me reconnaîtra-il ? Sera-t-il content de revoir sa « petite arabe » ? Se rappellera-t-il, avec autant de joie que moi, de notre passé composé ?

Un tas de questions impatientes qui ne se sont jamais imposées à moi… J’ai pourtant une certitude : tous ces chatouillements que j’ai au cœur à chaque implosion de souvenirs, je les aurai encore dans des dix et des vingt ans… peu importe comment je serai reçue par lui… peu importe si nos cultures nous séparent ou que si nos croyances se guerroient… on s’est appris l’amour aux bancs de la maternelle et on se doit la paix à l’âme…

Je me garde de parler de lui en espérant fortement de le trouver à la maison.
Edu ne la ferme plus et sa mère sourit de ses sottises… il n’a pourtant pas l’air sot…
Je lui demande ce qu’il fait et il me déballe un parcours pour le moins impressionnant de financier féru de la bourse! Je le taquine comme je peux et je me prépare à sa raillerie quand j’annonce que je suis toubib… Mme Ester se retourne complètement me regarder avec surprise et je sens le trouble saisir son fils sur le champ!

Devant ma confusion, Mme Ester me répond d’une simple moue à mi chemin entre le chagrin et le sourire… Edu me dit alors que David était médecin !

J’en crois à peine mes oreilles et je me lance dans des « ça alors ! » et des « eh ben ! » ! et n’en pouvant plus d’attendre, je leur demande si David est à la maison...

Ils ont d’un coup du mal à parler et Mme Ester en particulier semble couver un mal qui risque de l’étouffer !

Eduardo attend de se garer pour reprendre de la force et du courage pour m’annoncer… que David est mort il y a 2 mois…

mercredi 8 octobre 2008

A l'enfance de mes amours... (2)


Je passais l’autre jour par cette rue et je me suis arrêtée aux fenêtres grillagées de la garderie… les jouets vieillis et la peinture écaillée n’enlevaient rien à l’éclat de l’image que me renvoyait quelques carreaux de verre dépoli… moi petite, atteinte d’oreillon et exilée chez moi pendant un mois… dès que je commençai à mieux me porter j’imposai à Zahra de me conduire à l’école chaque jour en fin d’après-midi pour voyeuriser, à travers ces mêmes carreaux, les récréations de mes camarades et la solitude de David… je ne me rappelle pas de mon retour…

Les fêtes où j’étais sa princesse, où je passais par la Lorraine avec mes sabots et qu’il faisait mon petit indien… les jours où, dans la cour de la garderie, le facteur n’était pas passé, d’ailleurs on se disait bien qu’il ne passerait jamais, et ceux où ce petit blond de polonais, dont je ne retenais pas le prénom faisait l’ogre de la récré, avec son sandwich de poivron vert et venait m’embrasser de force sous le hululement garnemental :
« Allez ! Laisse le te faire un petit bisou ! C’est ton ami ! » Disait la douce Amina…

Pas étonnant que la notion d’amitié soit des plus ambiguës dans ma tête !
Tout ça c’est bien loin…

Il s’est passé du temps depuis… l’eau coulée sous le pont a métamorphosé la face perlée d’Oum rabi3 et se sont succédées années sèches et temps meilleurs… El Jadida s’armait de ciment et d’autoroute pendant que je me bâtissais une personnalité, une vie…

Je n’ai jamais compris la raison pour laquelle le souvenir de David persistait, frais et intense dans ma tête… je ne parle pas de cœur, parce qu’en scientifique je sais maintenant où se niche l’émotion… ce fût certes mon baptême de feu, ma licence d’amour et mon permis de rêve mais ce n’était pas ça… je l’oubliais des années pour m’en rappeler des moments de remue-ménage dans mon esprit ou de grand ménage dans ma chambre quand mes vieux albums me souvenaient ses longs cils sur des photos de fête… moi en lapin jaune et lui en cow boy…
Au lycée, j’ai choisi l’espagnol comme deuxième langue et je ne n’ai jamais détesté de juif…
David est plus qu’un souvenir…

J’aperçois souvent Rokaya avec ses gosses et à chaque fois elle me serre si fort que je me demande si je n’avais pas imaginé sa méchanceté jadis ! Amina je l’ai vu moins et Martine ne me reconnaît plus… je ne vais pas la voir non plus… à chaque fois que je la croise j’ai le même sourire en coin qu’elle doit forcément lutter contre son éventuel Alzheimer et sa myopie pour le décoder !

Sara a quatre gosses ! Quand je la vois j’ai presque envie de l’appeler M’dame ! et Karim mon petit camarade que j’ai retrouvé pendant tout le primaire est parti à l’étranger tout comme Jean Luc qui se curait le nez et nous demandait, avec une curiosité scientifique, ce que pourrait bien être la composition de sa morve ! Lui, je suis heureuse de ne plus le croiser !

Il y a comme des fous rires qui flottent en l’air ! C’étaient là les premiers souvenirs de mon vivant et à me les rappeler j’ai l’esprit purgé et l’âme rajeunie… c’est essentiellement pour ça que je reste enfant…

Emportée, alors, par ce vent de nostalgie, je m’en vais déambuler dans les rues d’El jadida, pour prendre, sans grande surprise, le chemin de mon ancien quartier… j’habitais tellement près de la garderie que Monsieur Cellier me ramenait souvent chez moi quand Zahra s’oubliait dans un radotage ou flirtage à l’autre bout de la rue…

Je m’approche de la garderie avec plein de sourires qui se bousculent pour sortir en premier quand j’aperçois une dame en noir… cette élégance là je la reconnais et ces yeux gris…

En joutant contre les défaillances légitimes de ma mémoire, je l’aperçois…
Il est grand, blond… beaucoup moins gras et super beau ! Je le reconnais, pourtant, aisément…
Edu la peste !

lundi 6 octobre 2008

A l’enfance de mes amours… (1)


Il y a comme des sourires gratuits qui pendent en l’air ! J’en ai attrapé un indélébile, ce matin à mon réveil, et j’ai beau le cacher il s’amuse à strier mes yeux de mille traits de félicité quand je m’évertue à l’effacer de ma bouche… oui c’est dans l’air ! Un son ou un parfum ou je ne sais quel enchantement qui m’enivre et me propulse dans les méandres sinueux d’un passé simple… un passé heureux…

Je me rappelle soudain, mais d’une clarté impressionnante, du regard réprobateur de Rokaya qui trouvait notre béguin malsain… elle guettait la bretelle de ma robe bleu ciel qui tombait d’un geste innocemment prémédité pour découvrir le relief d’une douce épaule qu’il s’amusait à caresser… elle prenait le plus méchant de ses airs et venait nous remettre sur le droit chemin… le fait était que j’avais le mien… il en avait un autre… mais qu’est ce que j’en savais ? et qu’est ce qu’on s’en foutait !

En hiver, quand il n’était plus possible de porter des robes à bretelles, on se cherchait des prétextes pour se toucher des mains… en attendant que l’air se fasse plus doux… c’était la période où Rokaya hibernait…

Amina par contre adorait observer nos flirts… mes yeux devaient être moins timides et plutôt hautement parleurs de ma passion pour lui… et je pouvais reconnaître sa démarche depuis le bout de la rue ! et à chaque fois j’en avais le cœur qui palpitait comme à la veille de mon anniversaire… dans le temps je ne m’en rendais pas compte mais je me souviens maintenant que Martine et Amina attendaient nos retrouvailles du matin avec un air coi et une esquisse de sourire attendri qui s’élargissait au premier regard qu’on se posait l’un sur l’autre… quand il me prenait la main, les deux jeunes femmes soupiraient de plaisir et de tendresse sous les yeux d’une Rokaya grincheuse…

« Porque ? »
C’était le premier mot qu’il m’avait adressé, quand j’avais refusé de lui céder la chaise que je gardais pour Sara ma voisine… dans le temps je ne parlais pas espagnol mais j’avais saisi l’interrogation dans son regard gris… j’avais répondu dans un français pseudo-espagnifié que j’attendais ma copine, alors il s’assit quand même pour récolter deux premiers mois de haine et d’adversité sur les bancs qu’on se partageait…

Il restait calme malgré mes coups bas, mes jérémiades et mes caprices de femmelettes… il avait toujours un visage grave et son flegme m’exaspérait… des fois que je croisais son regard, il me faisait son petit sourire de côté qui lui donnait un air gentil… ce que je lui refusais bien sûr ! Alors je détournais le regard, hostile à toute trêve…

Jusqu’au jour ou survint Eduardo ! Edu la peste ! Aucune fille ne s’en échappa… encore moins belle ! Il tira les nattes et cassa les poupées ! Moi qui avais les cheveux courts et savais protéger mes biens, j’y suis quand même passée ! Il me jeta un jour par-dessus la balançoire et piétina ma robe pour m’extraire mes premières larmes publiques, moi la fière imbattable !

L’unique main qui s’était tendue à moi était celle du petit espagnol… je la refusai l’âme meurtrie et l’orgueil en miettes… mais à peine debout, l’enfant terrible se rejeta sur moi pour me traîner à nouveau dans le bac à sable…
« Eduardo ! ya està ! »

Et comme par miracle Eduardo se résigna et s’en fut jouer ailleurs au seul ordre de mon sauveur !
Oui, j’avais déjà le cœur sur la main et je m’entichai aussitôt de mon espagnol !

J’appris par la suite que Eduardo était son cadet, ce fut donc parce qu’il craignait que David mouchardât auprès de leurs parents qu’il avait cessé de semer la terreur…

J’appris longtemps après que David avait pour confession cette religion qui filait l’urticaire à mes semblables… un juif espagnol que je devais éviter… mais je l’aimais de tout mon cœur malgré le dégoût de Rokaya… après tout je n’avais que 5 ans…