
Décidément, il ne fait pas bon d’enjamber les toits quand l’émoi se prend le coup de pied... et ce soir, le cœur lourd et le pas las, ses sauts se font courts, le souffle bas, l’humeur à ras… le bol rare de la main du soupier…
Il n’aurait pas dit non à un câlin, même Garcia en recevra un ! Mais ainsi veut Dame Providence qui le largue sans cavalière sur la piste de danse… un soir de Saint Valentin !
Il s’en va, alors, voyeuriser, à travers les carreaux, des pics d’amour, à s’en pincer le cœur… dire que Tornado ira brouter la friche avec sa biche, et qu’il la couchera à la belle étoile… en tout bien, tout bonheur…
Il embêterait bien la cavalerie par quelque sotte bagatelle, mais qui ira filer le Zorro, laissant poireauter les jarretelles ?
Amour, amour !! même au tombeur légendaire, ça joue des tours… et dans les souvenances de Don Diego, las señoritas défilent en file, sur les notes de la guitare du troubadour ! mais ce soir, chaque belle se trouve homme qui craque et Diego, tant traqué d’elles, se détraque…
Il est sorti ce soir à la rencontre de la lune, s’inspirer de sa beauté pour expirer son infortune… mais même la lune se refuse à lui, et s’égare dans le jais de la nuit, sous une écharpe importune …
Il fait très sombre et c’est ainsi que Zorro, en voulant dévaler rapidement les tuiles, se retrouve affalé dans le patio d’un domicile !
La chute est rude, mais moins éprouvante que sa solitude… Zorro se lève tant bien que mal découvrir la cour de la maison, et s’attarde à mirer longuement sa magnifique floraison… Il n’avait jamais remarqué cette demeure fermée depuis bien des saisons... Et dans sa mélancolie, il s’en va errer le long du mur, observer depuis les vérandas des amours et des bitures…
Mais avant d’échapper au charme du Saint Valentin, il sent soudain une arme l’effleurer ! et retentit une voix au timbre cristallin :
« Et si vous me jetiez donc ce fleuret ? »
Au ton de femme, magie et flamme, Zorro se redresse pour affronter la dame… peau de bronze et longue tresse… regard d’ébène et furie de tigresse…
« Otez votre masque ou je demande du secours, que mes maîtres accourent à mes cris de détresse ! »
« je ne suis point discourtois, veuillez donc excuser ma maladresse, mais comment est-ce possible qu’une telle beauté ne puisse être maîtresse ? »
« Assez de bobards joli cœur ! »
« Mais dame, je ne suis point menteur ! je ne saurais dire de quelle contrée proviennent vos charmes, mais l’ardeur de votre regard me désarme… d’ailleurs vous pouvez ranger votre balai car mon arme restera emballée… »
« Quelle suffisance pour un piètre voleur ! Pensez vous me rouler imposteur ? »
« je vous roulerais bien si je puis me permettre de vous mener jusqu’au lit pour m’y soumettre ! »
« je n’aime point les cabotins, de surcroît masqués et importuns ! »
« ai-je interrompu vos amusements ? ou bien ai-je causé, en rappelant la solitude, votre désabusement ? Sachez princesse que je suis seigneur ! Que de mes jours j’en ravis des cœurs et de mes nuits je me convertis bienfaiteur… je lutte contre le tort et l’injustice, et ma foi, votre rang vous porte préjudice… le Grand Zorro à votre service ! »
« et moi je suis Zohra, pur sang arabe, fleur de mon pays… ravie de force à ma tribu assaillie… je me sers des armes comme vous maniez vos fourchettes et c’est pour cela qu’on ne m’a jamais cueillie ! »
Mais c’est compter sans la magie de ce jour car la sainte alchimie suit son cours… Zorro trouve Valentine et Zohra découvre l’amour…
A l’aube du lendemain, au décours du dernier baiser, quand les promesses se taisent, les craintes apaisées, s’en va el Zorro quitter son orientale, rejoindre dans la pénombre son cheval…
Mais à l’instant même où il traverse la place, les hommes de Garcia le ramassent !
« Reste où tu es vil scélérat ! Enfin, je te tiens Zorro le malfrat ! »
El Zorro soupire et se retourne, ce fût trop beau pour finir en paix…
« Señor Diego De La Vega ? Excusez mes hommes d’avoir déparé ! »
En fait, Zorro avait donné en souvenir, son masque à Zohra en promettant de revenir… dire que ça l’a sauvé d’un combat vain au lendemain d’une nuit de plaisir…
« Dieu du ciel noble seigneur ! il y a un Z sous votre chemisier entrouvert ! Auriez-vous croisé le malfaiteur ? »
« Oui, Garcia je l’ai croisé… notre lutte dura la nuit entière et j’en suis usé… je vous en parlerais bien mais laissez moi donc me reposer… »
Le Z au Khôl de Zohra refuse de partir, et le cœur de Diego palpite de son souvenir… il y a comme de l’amour dans l’air ce matin…
à vous aussi je dis Joyeuse Saint Valentin !