lundi 20 octobre 2008

A l'enfance de mes amours... (fin)

Je laisse ma douleur sur le perron de la maison… des cœurs qui saignent il y’en a déjà deux et ma peine, aussi grande soit-elle, n’alourdira pas davantage l’air chargée de doléance…

Une fois mes larmes séchées, j’esquisse un sourire… je l’ai voulu lénifiant et les yeux de Madame Ester me communiquent mon adresse à mirer son mal et à l’atteindre… elle me sourit aussitôt et s’en va nous préparer ce café…

Ce n’est pas ainsi que je l’ai imaginé… depuis les années où je faisais des tours par mon ancien quartier et depuis les longues minutes du court trajet qui m’a ramené à ce fauteuil, j’imaginais notre rencontre de moult façons ! Je raturais mon rêve et le refaisais plus beau, plus émouvant… je ne m’attardais pas à imaginer son physique à David… je me contentais de l’ombre d’un homme et de mon émoi à moi, désormais femme…

Je savais que câline comme je suis, il s’en tirerait avec le plus gros câlin de tous les temps… que m’importe sa religion si je retrouve l’ami d’une époque où Dieu pour moi avait le visage du Roi sur le billet de 10 dirhams !

Je savais que je retomberais dans l’enfance quelles que soient les circonstances de notre rencontre… et ce café préparé de la main de sa mère n’aurait rien eu d’amer, même pas l’arrière goût qui fait de lui café…

J’aurais voulu le voir, entendre sa voix, écouter sa vie… j’aurais voulu voir son enfant, lire son écriture, savoir comment il a grandi…

Edu a grandi… il a du cœur, je le vois et j’en suis ravie pour lui même en le voyant souffrir…

Je décide alors qu’il est temps de passer à l’action… je ne me connais pas spécialement talentueuse mais on ne peut me nier le don de soutenir un cœur en détresse…

Je commence par l’immerger tranquillement dans nos souvenirs communs, à lui parler de sa malice, de Jean Luc le morveux et du polonais dont on ne se rappelle plus le nom… décidément, on pouvait être d’une cruauté sans égal à refuser l’amitié à un enfant parce qu’il mange des bizarreries de sandwich au poivron au goutter !

Je me souviens tout d’un coup du jour de la fête du printemps où Edu avait oublié le poème qu’il devait réciter ! Il en avait fait pipi et tous les enfants s’étaient fait un plaisir à lui rigoler au nez et à le traiter de bébé ! Mais David était là… Mon amour était un chef et lorsqu’il prit Edu par la main on arrêta de ricaner de suite… Eduardo était revenu après les dix jours de vacances la tête baissée et les mains derrière le dos… dès qu’on s’approcha de lui, il jeta aux frimousses curieuses une grosse araignée en plastique pour signer le retour de la peste !

Je vois le visage d’Edu s’éclairer petit à petit sous l’effet de mon hypnose et le sourire ne se fait pas désirer plus longtemps… Madame Ester vient même nous jeter un coup d’œil curieux quand elle nous entend rire de nos bêtises…

Edu évoque alors mes amours avec David et j’en avale une gorgée de café de travers ! Il me charrie et je fais mine de gênée pour attiser son côté taquin et réussir à retracer le sourire sur le visage de sa mère…

Elle me dit alors qu’on m’avait longtemps évoqué pour taquiner David qui avait eu son chagrin suite à notre séparation lorsqu’il durent partir en Espagne à la fin de la maternelle… j’était son amour arabe et son premier amour… elle me dit aussi que Seul David était revenu au Maroc depuis leur départ, qu’à partir de ses 17 ans il venait à El Jadida chaque année…

J’en ai un énorme pincement au cœur mais je me garde de le dévoiler… il y a des caprices du destin qu’il serait vain d’exécrer…

Je leur parle de ma vie au Maroc, de mes rêves et de la médecine et on attrape à nouveau un excès de surprise et d’émoi à constater un aussi gros point en commun entre David et moi…

Je leur demande alors de me parler d’eux et non seulement de lui… je ne veux pas qu’ils le détachent de leur vie après sa mort… après tout, je suis sûre qu’il leur a apporté tellement de joie qu’il serait idiot de s’amputer de son souvenir… David sera toujours… il sera juste absent…

Madame Ester me parle de leur vie en Espagne, des études d’Edu et de David, de leur différence de caractère et n’en finit pas de dire le magnifique personnage qu’il était au point que j’en éprouve quelque pitié pour Edu… de ne pas être un deuxième David…

Mais lui aussi me raconte leur amitié à tous les deux et la bonté de son frère qui a marqué leur vie… David était son port d’attache, son repère qui le maintenait sain quand les débauches de l’adolescence s’hasardaient à l’égarer…

Il me parle de cet accident sur une route perdue du Chili où David a perdu la vie avec son ami et son émotion lui fait perdre la voix…

Tous les deux l’aiment d’un amour si fort qu’ils sont venu humer l’air qu’il a tant respiré à El Jadida… un amour si bon qu’ils me baptisent sienne et qu’ils me reconnaissent sur lui les droits du cœur…

Je demande alors, au nom de ce sentiment, à le voir…

On m’apporte ses photographies, les unes floues, d’autres jaunies… toujours le même sourire généreux et le même regard en coin que j’affectionnais chez lui…

Madame Ester m’en offre une qu’il avait prise il y a 6 mois sur Tanger… je la prend et me lève pour partir… j’ai besoin de rester seule avec mon David…

On s’échange nos adresses, nos numéros de téléphones et quelques embrassades de gratitude… Madame Ester m’invite à la visiter en Espagne et Edu me promet de ne pas me faire tomber des escaliers une fois à Sevilla…

En me déposant chez moi, Edu me fend le cœur d’un « merci » sincère et ajoute que désormais je ne suis plus « l’arabe de David » mais « Fedwa »…

Je m’en vais le coeur lourd et l’esprit léger…

Un petit sourire de contentement et une pointe d’excitation tout de même… celle qu’on a lorsqu’on a reçu un cadeau…

Sa photo m’apaise… je la rangerai dans le coffret qui contient mes lunettes d’enfant et la bague de ma mère : mes biens d’amour… parce que voyez vous, maintenant je sais que si j’avais rencontré mon David, je l’aurais aimé à nouveau…

19 commentaires:

Fedwa a dit…

bonjour bonjour!
désolée de ne pas avoir commenté mon 3 ème mais il fallait terminer la série avant de discuter les commentaires :)
v'là que c'est fait :) suis à vous :)

Anonyme a dit…

je marchais dans tes souvenirs, je cachais mes manoeuvres, je me grisais de silence, j'avançais, les yeux clos... car les seuls instants de plénitude dans l'existance de chacun de nous se confondent avec l'amour...
joli recis,
mais mythe que je suis j'attends la synthèse, ce que qu'on peut retenir dans cette histoire...

Anonyme a dit…

Ce que j'en retiens pour ma part c'est qu'une légende est immortelle et qu'on a une nouvelle écrivaine bientôt en librairie...

Fedwa a dit…

merci le mythe :)
ma synthése à moi je l'ai faite et je crois qu'elle est assez claire... maintenant à chaque lecteur de faire la sienne...
qu'importe qu'elle soit identique à celle née dans mon esprit?


yug: wa arrête de me flatter, je vais me mettre à y croire :))

Fedwa a dit…

au fait juste au cas où...
Edu ça se prononce Edou :))

Anonyme a dit…

c'est très touchant! si c'est vrai alors laisse moi te féliciter de savoir t'exprimer ainsi et si c'est de l'imagination alors tu dois arrêter le blogue et passeer au choses sérieuses!!

la fan aicha

Anonyme a dit…

khaaaaa lé bo ton David!! suis doublement navrée du coup :s

Fedwa a dit…

aicha: c'est un compliment n'importe comment donc merci beaucoup :)


aaa: c'est vrai en plus! je transmettrai :)))

Farid a dit…

je n'arrive pas à comprendre comment est ce qu'un chef d'oeuvre pareil ne reçoit que 4 commentaires, c'est un peu fou ce que les gens puissent "ne pas faire". pour ce qui est du texte je tiens a te féliciter pour ton aisance rédactionnelle, sur ce texte là tu t'es vraiment distinguée, un récit bien tenu, un suspens alléchant à la "desperate housewives" et une histoire aussi belle que "a walk to remember"(le vrai pas le mien". pour ma part je ne vais qu'en redemander de tes ci beaux écrits, j'en raffole.
pS: si cette histoire est vraie(ça m'étonnerait) alors toutes mes condoléances, la perte d'un être cher est une blessure qui ne veut jamais cicatriser. si elle est pas vraie alors tant mieux.

Anonyme a dit…

waaayli c'est ma cousine à moiiii!!!
suis fier de toi cousine! j'espère que tu laisseras pas tomber ton cousin quand tu seras célebre!
tout façon t'as pas intéret!! :p

Fedwa a dit…

tu sais Farid, en principe on laisse sécher la première couche de peinture avant d'en ramener une autre, c'est exactement ce qui se passe :))
merci de toutes les gentillesses que tu me sors tout le temps.
bon je vais finir par avouer que c'est de la fiction! déjà que houda a chialé hier et qu y en a qui refusent de commenter parce qu'il ne veulent pas déranger mon deuil!! :))

j'espère que David est toujours en vie et qu'il la croque à plein dents et qu'Edu n'est plus aussi peste que dans le temps :)

merci à tous :)

cousin: tu me files la honte avec tes fautes d'ortho :))
grosse bise!

Houdac a dit…

La Doudou du juif, je t'ai dis que je me suis à peine retenue de verser une larme, moi qui sais?!!
C'est dire que tu t'es surpassée ma belle...enfin non, tu t'es juste laissée aller. Continue à écrire...comme tu respire!

Fedwa a dit…

j'adore la couche finale d'astral :))
encore qq un qui veut y mettre du Tadelakt?

BLUESMAN a dit…

سلام
ليس هناك سحر اروع من الكلمات
شكرا

Anonyme a dit…

"il y a des caprices du destin qu’il serait vain d’exécrer"

je confirme. j'adore.


en gros? FABULEUX!

Dam

Fedwa a dit…

bluesman: super! j'adore l'odeur de la peinture toute fraîche :))
merci à toi de me lire...


anonyme dam: j'espère que tu penseras de même du reste :)

vincent a dit…

tu vois Waaayli? je suis pas le seul à te prédire la célébrité.
Je comprends ton désarroi de n'avoir pu le rencontrer. Il était bel homme.

Fedwa a dit…

tu sais vincent je suis contente que la nouvelle te plaise mais je tiens à préciser que c'est un pur fruit d'imagination que toute cette histoire et le mec de la tof est un ami qui s'est prêté au jeu :)
en tout cas merci de m'encourager encore et toujours!

vincent a dit…

Oh bé!!!! je suis déçu !!! :-((
N'empêche que cette nouvelle est très agréable à lire et empreinte d'une grande sensibilité, d'un grand réalisme.
Tu iras loin.
merci pour ces lectures agréables.
bises