lundi 6 octobre 2008

A l’enfance de mes amours… (1)


Il y a comme des sourires gratuits qui pendent en l’air ! J’en ai attrapé un indélébile, ce matin à mon réveil, et j’ai beau le cacher il s’amuse à strier mes yeux de mille traits de félicité quand je m’évertue à l’effacer de ma bouche… oui c’est dans l’air ! Un son ou un parfum ou je ne sais quel enchantement qui m’enivre et me propulse dans les méandres sinueux d’un passé simple… un passé heureux…

Je me rappelle soudain, mais d’une clarté impressionnante, du regard réprobateur de Rokaya qui trouvait notre béguin malsain… elle guettait la bretelle de ma robe bleu ciel qui tombait d’un geste innocemment prémédité pour découvrir le relief d’une douce épaule qu’il s’amusait à caresser… elle prenait le plus méchant de ses airs et venait nous remettre sur le droit chemin… le fait était que j’avais le mien… il en avait un autre… mais qu’est ce que j’en savais ? et qu’est ce qu’on s’en foutait !

En hiver, quand il n’était plus possible de porter des robes à bretelles, on se cherchait des prétextes pour se toucher des mains… en attendant que l’air se fasse plus doux… c’était la période où Rokaya hibernait…

Amina par contre adorait observer nos flirts… mes yeux devaient être moins timides et plutôt hautement parleurs de ma passion pour lui… et je pouvais reconnaître sa démarche depuis le bout de la rue ! et à chaque fois j’en avais le cœur qui palpitait comme à la veille de mon anniversaire… dans le temps je ne m’en rendais pas compte mais je me souviens maintenant que Martine et Amina attendaient nos retrouvailles du matin avec un air coi et une esquisse de sourire attendri qui s’élargissait au premier regard qu’on se posait l’un sur l’autre… quand il me prenait la main, les deux jeunes femmes soupiraient de plaisir et de tendresse sous les yeux d’une Rokaya grincheuse…

« Porque ? »
C’était le premier mot qu’il m’avait adressé, quand j’avais refusé de lui céder la chaise que je gardais pour Sara ma voisine… dans le temps je ne parlais pas espagnol mais j’avais saisi l’interrogation dans son regard gris… j’avais répondu dans un français pseudo-espagnifié que j’attendais ma copine, alors il s’assit quand même pour récolter deux premiers mois de haine et d’adversité sur les bancs qu’on se partageait…

Il restait calme malgré mes coups bas, mes jérémiades et mes caprices de femmelettes… il avait toujours un visage grave et son flegme m’exaspérait… des fois que je croisais son regard, il me faisait son petit sourire de côté qui lui donnait un air gentil… ce que je lui refusais bien sûr ! Alors je détournais le regard, hostile à toute trêve…

Jusqu’au jour ou survint Eduardo ! Edu la peste ! Aucune fille ne s’en échappa… encore moins belle ! Il tira les nattes et cassa les poupées ! Moi qui avais les cheveux courts et savais protéger mes biens, j’y suis quand même passée ! Il me jeta un jour par-dessus la balançoire et piétina ma robe pour m’extraire mes premières larmes publiques, moi la fière imbattable !

L’unique main qui s’était tendue à moi était celle du petit espagnol… je la refusai l’âme meurtrie et l’orgueil en miettes… mais à peine debout, l’enfant terrible se rejeta sur moi pour me traîner à nouveau dans le bac à sable…
« Eduardo ! ya està ! »

Et comme par miracle Eduardo se résigna et s’en fut jouer ailleurs au seul ordre de mon sauveur !
Oui, j’avais déjà le cœur sur la main et je m’entichai aussitôt de mon espagnol !

J’appris par la suite que Eduardo était son cadet, ce fut donc parce qu’il craignait que David mouchardât auprès de leurs parents qu’il avait cessé de semer la terreur…

J’appris longtemps après que David avait pour confession cette religion qui filait l’urticaire à mes semblables… un juif espagnol que je devais éviter… mais je l’aimais de tout mon cœur malgré le dégoût de Rokaya… après tout je n’avais que 5 ans…

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Attendrissant.
Mwah,
Loula

Anonyme a dit…

Si seulement je pouvais revoir cette fillette qui m'a ouvert les yeux il y a plus de 35 ans sur ce qui fait "bouger le cul des gazelles" ! Elle doît être de l'autre côté de la planète, avec armes et bagages... Mais je sens qu'avec un peu de patience, elle reviendra humer ses traces d'innocence dans "le plus beau pays au monde" puisque c le sien... même aprés son départ pour le nouveau pays installé au Proche Orient.... Tu m'as ramené vers le meilleur moment de mon enfance, MERCI Waaayli d'avoir replié l'accordéon de ma capricieuse mémoire... Je pensais cela impossible !

vincent a dit…

toujours à la bourre.
ce texte semble bien trop beau pour être lu en diagonale.
Si tu me permets tu remarque, je préférais l'ancienne présentation.

Maha a dit…

Tu changes de style et de couleurs, pour verser dans l'humanisme des enfants. Mais que se passe-t-il? Serais-tu entrain de devenir une romantique n'en plaise à Dieu? :)

Fedwa a dit…

loula : tu ne peux même pas imaginer ce que je peux être nostalgique en ce moment :)
le bon vieux temps! c'est le cas de le dire :)

yug: ben voilà que je t'inspire tout plein de choses :))
je suis décidément là pour faire ton bonheur :))
c'est bon de baigner dans le passé des fois, on en sort souvent purgé..

vincent: heureuse de te revoir!
désolée pour la présentation mais j'avais besoin de refaire la déco! je me lasse vite c'est mon défaut :)

maha: je change de couleurs oui mais pas de style ! :)
un style ça ne change pas... un thème par contre si! quoi qu'il en soit je change rien, je suis très nostalgique et j'ai tenu à partager des souvenirs :)
j'arrête un peu la prose en faveur de la narration et j'espère que c'est assez bon à lire :)
et puis j'ai toujours été romantique moi! même fleur bleue (un peu rouge des fois) ça saute aux yeux! :))

"n'en plaise à dieu!" je me demande qui peut bien être ton dieu ma grande :)
marhba bik :)

Anonyme a dit…

En fait, comme t'as abandonné les dosages prophylactiques pour t'attaquer direct à l'aureus, ton billet, en apparence si innocent, a tout simplement effacé un tas de souvenirs auxquels je m'accrochais comme un crabe à son rocher... Maintenant je nage comme l'air entre les récifs, enfin libre de toute mémoire fascistement possessive... A moi l'Océan sans retour... A moi les sirènes éperdues d'Amour... Comme c bon parfois de "se noyer dans un verre d'eau" nazi... Gracias

Fedwa a dit…

de na :)

Hamil al amani a dit…

C'était lors de mon premier séjour en colonie de vacances, dans la cambrousse, du côté de Grenoble. Elle avait sept ans et moi 9. Elle était pour moi une sorte d'ange descendu du ciel, avec ses yeux bleus et ses jolies nattes blondes. Elle me souriait en battant des cils. Charmé, envoûté, je me suis approché d'elle et tendant doucement la main vers sa tête, je lui ai arraché une petite touffe de cheveux. Ben quoi? On m'avait bien dit, au bled, qu'il suffisait d'uriner sur 7 cheveux de la bien-aimée pour qu'elle tombe follement, désespérément et à jamais amoureuse de vous et je tenais à appliquer ce plan à la lettre (ce que j'ai fait). Mais à mon profond étonnement, elle s'est enfuie en hurlant et en pleurant chez sa maman, propriétaire de la ferme abritant la petite colonie, qui m'a gratifié d'une bonne taloche. Ma petite fée ne m'a plus jamais battu des cils et quand par hasard nous nous croisions, elle prenait un air pincé, regardant à travers moi comme si j'étais transparent, totalement inexistant. Ah, foutaises que toutes ces croyances à la noix de coco auxquelles nous continuons à donner foi et à nous cramponner dur comme fer et encore une fois, bienheureuse waaayli.

Anonyme a dit…

@hamil
Chacun ses noix. Eux ce sont les Noix de Grenoble (A.O.C depuis 1938) en quoi ils croient.

De quel bled tu viens toi ?!
A toi tout seul, t’es une source intarissable de clichés sur les gens du bled !

Trêve au thérapie de groupe. Retour au beau texte de Waaayli.

vincent a dit…

Juif séfarade!!! Et alors? c'était interdit?
je me porte à la page suivante. j'ai hâte de lire la suite.