jeudi 7 février 2008

étrangers...

Cheveux poivre et sel et regard d'étranger… mains dans les poches d'un trois quarts élégant et un semblant de sourire sur les lèvres, il avança… passa la porte entrouverte et scruta le décor exotique avant de l'apercevoir, elle.

Elle, un stylo à la main atone, une tête dans les nuages et un regard las qui finit par tomber sur l'étranger…
Ils s'observèrent un moment puis il avança encore de quelques pas sans mot dire
"Vous êtes ici pour qui?" dit elle

Quand il parla, elle eut l'impression que sa voix étouffait.

"Hum… c'est une pension n'est ce pas? Non je ne suis là pour personne, ni même pour prendre une chambre…"

Une pension? Il devait se tromper d'adresse, de plus il n'avait pas l'air d'avoir déjà mis les pieds dans ce genre d'endroit…

" Je cherche des informations à vrai dire… au sujet de la famille à qui appartenait cette maison."

Un silence de quelques secondes puis il reprit:

"Il y'a 21 ans je vivais tout près et, dans cette même demeure, vivait ma fiancée… ou du moins il nous plaisait de nous considérer fiancés…"

Et là le semblant de sourire qui tirait le coté de sa bouche se révéla clairement… beau et lumineux. Quel bel homme!

Il devait avoir la quarantaine passée, des ridules infimes traçaient l'emprunte d'un sourire éternel sur les bords de ses yeux noirs.

Subjuguée par la nostalgie qui se peignait dans son regard, elle indiqua du doigt une chaise qu’il prit avec reconnaissance et il continua sans trop tarder.

"Elle était belle comme le rêve le plus fou des chômeurs du quartier (sourire encore plus large) et j'en étais un évidemment!! Mais c'était quand même de moi que la gracieuse fille du fonctionnaire s'était éprise."

Et là en baissant les yeux, elle aurait juré que des perles lui tombaient des globes… tellement l'intense souvenir ébranlait son être…

Rien qu'au souvenir, le sourire s'intensifiait avec béatitude et ni l'orgueil d'homme ni l'étrangère en face de lui ne pouvaient en affaiblir l'étendue…

"je sais qu'une bien jolie jeune femme comme vous doit avoir plus d'un soupirant, mais je doute qu'un homme sur terre puisse aimer sa chérie comme je l'aimais, moi."

Elle sourit à son tour. Elle n'était pas jeune, encore moins jolie et de sa tour d'ivoire personne ne s'approchait. Mais consciente qu'il le pensait vraiment, elle ne put qu'acquiescer.

"Elle était belle et timide… je me souviens que j'avais passé des jours à lui faire des signes de tout genre avant qu'elle ne retienne mon message; et qu'elle avait mis beaucoup plus de temps avant qu'elle ne daigne, un jour, laisser tomber son mouchoir sur ma tête; quand j'avais relevé la tête elle s'était déjà évanouie dans le brouillard de ce soir. Je ne l'oublierai jamais…"

Fascinant!!!

De son récit elle ne retint que peu. Elle ne pouvait concevoir qu'un homme puisse se souvenir avec tant d'adoration d'une passion ancienne de 21 ans.

Elle voyait des hommes à la pelle. Des hommes de différentes carcasses… l'un se disait dur, l'autre romantique… personne de crédule, malgré la gentillesse et la générosité.

Lui était vrai… tout simple sans édulcorant… il vibrait d'un sentiment constant qui refusait de s'atténuer… il n'avait pas de faux espoirs, aucune lueur de folie n'animait son regard. Il voulait tout simplement en parler…le fantôme de son amour perdu posséda son corps au premier pas dans cette demeure et il voulut se manifester…

" 3 ans d'amour secret, de lettres sacrées et d'heures sacrifiées aux fenêtres de cette vieille maison" dit-il le sourire persistant.

" Quand son frère de 12 ans avait découvert une lettre dans son tiroir, il m a fallu travailler le soir après les cours chez le menuisier du quartier, pour soudoyer sa gourmandise."

Son sourire devint contagieux, tirant la femme de sa lassitude.

" Un jour en passant par là, on me prévient qu'il y a eu des youyous chez les Hachmi… elle n'avait qu'une jeune sœur de 10 ans; il ne pouvait donc s'agir que de ma chérie."

Elle pouvait être froide et indifférente mais la danse des perles qui illuminaient ses yeux la laissa interdite. Un homme pouvait vraiment aimer une femme…

interrogation ou affirmation ? Elle ne sut le dire…

Légèrement amer cette fois, son sourire se voulait content.

" j'ai à peine vu ses larmes qui en disaient long pour comprendre que l'espoir n'était pas permis pour nous… l'amour était un luxe que je ne pouvais me payer…"

Elle respectait son silence. La souffrance était peut être loin mais la répercussion sur son cœur était flagrante.

S'était il marié après? Avait-il trouvé l'amour autre part? Certainement pas. Il ne portait ni bague à la main ni personne dans son cœur, pas au point de lui faire oublier sa chérie.

" Je suis parti sans tarder. J'ai quitté ma famille et mon pays et me suis tué à travailler pour tuer la misère… j'ai plus rien su d'elle."

La misère, il l’avait bien chassée de sa vie, mais pas la nostalgie… pas l'amertume ni le besoin… d'elle.

" Saida!!!!!"

La voix rauque qui transperça le silence la fit sursauter et le fit tressaillir... une voix de femme, enrouée et criarde, la réclamait. Elle se décida enfin à parler.

"Je dois y aller monsieur… je suis navrée pour vous…" elle ne sut dire mieux.

"Il n’y a pas de quoi mademoiselle … merci de m'avoir si gentiment écouté. Mais j'aimerais quand même que vous me disiez si cette pension appartient à cette famille même! Aux parents de la femme dont je vous ai parlé, Leila Hachmi?"

Elle répondit à la hâte
"Non monsieur, je travaille ici depuis 10 ans et je ne connais pas de famille portant ce nom, ni dans cette maison ni dans le quartier… et un conseil: cette femme que vous cherchez n'est plus de ce monde. Pas morte, non! J ne saurais l'affirmer… mais elle fait partie d'un passé révolu qui ne ressuscitera pas… délivrez vous donc de ce rêve et vivez libre."

Il sourit, encore une fois, se leva et la remercia chaleureusement. Il partit laissant un voile de parfum et de regret…

"Saaidaaa!!!"

Elle se hâta pour répondre à sa patronne…

" Oui lalla! J'arrive!"

Cette femme qui attendait en haut des escaliers paraissait exaspérée.

" A qui parlais tu?" dit-elle maugréante entre deux bouffées de cigarettes.

"Je t'ai dit mille fois de ne jamais laisser la porte ouverte! Il ne manquerait plus que des curieux viennent faire l'inspection des lieux!!"

"Désolée."

Avant même qu'elle ne pusse juguler la mauvaise humeur de sa patronne, une autre voix leur parvint de l'entrée; une voix d'homme cette fois, que toutes deux reconnurent: le Pacha!

" Vite, cherche moi les factures à payer, le gros est là!"

Saida se précipita pour chercher les factures non payées et attendit 5 minutes pour éviter le spectacle des effusions du Pacha envers sa patronne.

" Petite Saida, comment vas-tu?"

Elle ne répondit pas. Elle gardait toujours son apparence hostile pour esquiver des dialogues vulgaires avec ces hommes méprisables…

Se retournant vers sa patronne, elle dit avec un ton savamment désolé:

"lalla! Le boucher est encore venu réclamer son argent, et les factures non payées sont nombreuses… on risque de ne pas avoir d'électricité ce soir…"

Ceci dit, Saida se mit à observer, fascinée comme toujours, le décor qui s'offrait à elle…

Sa patronne était une femme de 38 ou 44 ans? elle n'en savait rien. Toujours de mauvaise humeur, une cigarette à la main un verre à l'autre, se baladant en déshabillé, pleurant ou dansant avec des disciples selon ses paroxysmes. Elle était d'une beauté rarissime que l'alcool n'avait pas pu massacrer. Le maquillage servait à peine à voiler la douceur de ses traits, lui prodiguant ses apparences de femme fatale…

Elle était là, nue sous son déshabillé rose indien qui suggérait des folies. Elle avait cette moue coquine à damner un saint et une main sur la cuisse. Le Pacha, qui bavait comme un porc, déposa, sans détacher ses yeux d'elle, un argent que Saida n'acheva de compter qu'après leur départ… la patronne moulante, et lui moulu…

Ce soir là, elles ne faisaient pas de fête. Toutes les filles étaient dehors. Après le départ du Pacha, elle ira dormir dans sa chambre à la cave de la maison devenue bordel…

Elle s'assit sur une chaise et regarda l'argent sur la table avant de le ranger dans le tiroir avec les factures, déjà payées, au nom de sa patronne… Leila Hachmi.

19 commentaires:

SABA a dit…

beau récit.. mais je n'arrive pas a croire que la femme soit devenue une femme aux moeurs (très) légères... dommage pour lui..

Clap clap clap.. bravo!!

Fedwa a dit…

merci merci l'amie :d

(désolée mais je ne dirais pas autant pour le programme d"enfer" que tu m as reservé:D)

Anonyme a dit…

Triste, mais tellement bien raconté !
Bravo

Fedwa a dit…

merci waaaa Hmed :D

Anonyme a dit…

ahahahaha
aji je viens de penser à une autre théorie :
Cette Leila Hachmi, ne serait ce pas qqun de qui tu as envie de te venger ?
lol just kidding :-)

Fedwa a dit…

non mais euh!! c'est Hmed le parano qui parle??
la seule Leïla hachmi que je connais émane de mon limbe en délire!!
faut developper cette hypothése stp!

Anonyme a dit…

C'est simple : en lisant le dernier paragraphe.
Leila Hachmi se prostitue aujourd'hui ?
Told you Hmed was a bastard ;-)

Fedwa a dit…

PARANO vaaaaa! :D

il fallait bien lui trouver un nom non?
ça aurait pu être Kawrar Naji, Hlima Benezha; Salma Ennedam ou Fadoua MZili...
va me sortir encore que ce sont tous là des noms de pro..fessionelles :D

Anonyme a dit…

awah ? elles aussi ?
ok ok, je note ;-)
t'as d'autres noms ?

Daba imagine une Leila Hachmi (pour de vrai) tombe sur l'article ?
Quitte a donner un nom, il valait mieux choisir celui de qqun qui l'a mérité non ?

Fedwa a dit…

euh!! j'y ai pas pensé! y a des milliers de leila lhachmi je suppose, et puis va tenter un proces à un écrivain ou à un scénariste parce que le héro de leurs écrits porte ton nom! ça ne risque pas d'être ennuyeux :p

SABA a dit…

@Waaayli: pr le programme, pas de ma faute, va plutôt te plaindre aux jeunes de rabat qui restent chez eux au lieu de faire la fete ds les meilleurs pubs de la ville ;)

et pr les noms, fais gaffe ma belle ;)))

Anonyme a dit…

Pour ne rien te cacher, Leila Hachmi ............ C'EST MOI !

Fedwa a dit…

saba: c'est de l'histoire ancienne, mais la prochaine fois: je s'occupe de tout, tu s'occupe de rien :D

Hmed: paranoïaque avec notion de dédoublement de personnalité... à suivre

Anonyme a dit…

Aujourd'hui t'as eu la preuve que j'avais raison d'être parano

Fedwa a dit…

Ok Ok madame Laila! je te l'accorde :D

Anonyme a dit…

Une très belle histoire... que sans doute notre ami Hmed a un peu de mal à interpréter correctement ! Moi je trouve ça beau cet homme qui n'a jamais oublié celle qu'il aimait et cette femme qui ne peut certainement pas l'oublier non plus et qui ne pouvait avoir le seul et unique amour, essaie de les avoir tous... Très judicieux également qu'ils se soient tant rapprochés mais pas croisés... Arf suis trop romantique môa...

Fedwa a dit…

à qui le dis-tu ma p'tite téqui?? :(

Anonyme a dit…

un jour, j ai googlé mon nom: Leila Hachmi, é je suis tombé sur ce site. je doi dire que ca m a choqué que mon nom est utilisé dans une histoire de prostitué!!!

Fedwa a dit…

madame Leila il n y a pas de quoi être choquée! comme j'ai expliqué sur des commentaires je devais choisir un nom et ça aurait pu être n'importe lequel! et avouez que et le prénom Leila et le nom Hachmi ne sont pas du tout rares!
d'ailleurs j'avais choisi Leila parce que j'étais chez ma cousine Leila quand j'avais écrit ça et je peux t'assurer qu'elle non plus n'a rien d'une prostituée non plus :) et Hachmi c'est le nom d'un ami...
c'est une fiction et on peux pas en vouloir à quelqu'un qui écrit pour le choix des noms des personnages...
désolée de vous avoir choquée madame :)